Le noir complet. La silhouette d'une Albinos, gravée sur ses paupières closes. Les paroles confuses de Gardes, affolés de ce qu'ils avaient fait. La sensation désagréable d'être traînée sur le sol pierreux, comme un vulgaire sac a patates. Le soyeux toucher des couvertures propres sous son corps lourd. Le sommeil souhaitait peut-être la garder endormie, mais elle devait se forcer a se réveiller, a bouger. Elle ne savait plus ou elle était, ce qu'elle faisait. Elle avait peur, elle était affolée : qu'est-ce qu'on leur avait fait? Finalement, au bout de plusieurs minutes de torture, elle parvint a ouvrir les yeux. Sur un plafond blanc pétant, éclairé par des néons jaunes pâles. Posant sa main sur son front pour se protéger de la lumière trop vive pour son Réveil, elle plissa les yeux, mal-à-l'aise. Elle ne savait pas ou elle se trouvait, et elle détestait ça. Elle balança ses jambes sur le coté pour se relever, et détailla attentivement la pièce autour d'elle. Des murs blancs, nus. Un sol carrelé de blanc aussi, pourri. Des lits blancs, sales. D'ailleurs, sur l'un d'eux, se trouvait l'Albinos qu'elle avait rencontrée il y a quelques heures plus tôt. Yukio, non? Elle haussa les épaules, indifférente, et se releva définitivement, pour se rendre compte que quelque chose clochait. Ses vêtements avaient été remplacés par une simple blouse blanche, qui ressemblait étrangement a celle que portait les malades dans les Hôpitaux. Pourquoi leur avait-on enlevées leur habits? Pourquoi faire? Un haut-le-cœur la saisit, et dégoûtée, elle arracha presque la blouse, se retrouvant nue au centre de la pièce. Elle ne voulait pas porter cette chose, ne pas penser a ce qu'on leur avait fait durant leur sommeil.

Elle examina son corps au peigne fin, et ne trouva comme preuve que le trou d'une seringue, juste a l'intérieur de son coude. Nouveau haut-le-cœur, nouveau malaise. Cette histoire était décidément trop louche. C'était sans conteste l'Infirmerie de la Résidence. Toujours nue, elle se rapprocha de l'Albinos, et releva sa manche brutalement. Un autre trou de seringue, une autre piqûre. Que leur avait-on donc injectées, ou retirées? Elle secoua négativement la tête, faisant voler ses cheveux roses autour d'elle. Elle ne comprenait plus rien. Elle avisa finalement l'armoire au coin de la pièce, et se dirigea vers elle, ne se souciant pas du fait que sa camarade d'infortune soit réveillée, ou non. Elle ouvrit la porte, et grimaça en soulevant les piles de vêtements poussiéreux qui y reposaient. Autant dire que ça datait au moins du Moyen-Age, ça. Tant pis, elle s'en contenterait pour l'instant, en attendant d'éclaircir les choses. Elle enfila donc une chemise bleue délavée bien trop large pour elle, ainsi qu'un boxer propre. Heureusement que les sous-vêtements étaient propres, ici. Une fois habillée, elle jeta un coup d’œil a la porte de métal, et tira sur la poignée ; sans succès. Un peu vexée, elle s'acharna dessus pendant plus d'une demi-heure, tapant des coups d'épaules dedans, ou bien cognant sa tête dedans. En vain, malheureusement. Dépitée, elle s'adossa a la porte, les yeux rivés sur le sol devant elle.

- Crotte.

H.S:

Alors qu'elle continuait a contempler le sol, déçue de ses propres capacités, un bruissement de draps l'avertit du réveil de l'albinos, et encore énervée par rapport a leur première rencontre, Chii resta silencieuse et immobile, fronçant simplement les sourcils en la fixant méchamment. Elle n'allait certainement pas lui faire de cadeaux, après l'affreuse façon dont elle s'y étais pris pour la faire tourner en rond. Ses paroles, étrangement, la gênèrent, et les joues délicatement rosies, elle porta à nouveau son regard au sol, loin de la jeune fille sur le lit. Génial, voilà que ses émotions reprenaient subitement le dessus. Elle sentait que c'était anormal, elle devenait plus réactive aux mots des autres au fur et a mesure des jours qui passaient. Depuis son marché avec l'Orgueil, elle avait la constante sensation de trahir tout son entourage, de se corrompre elle-même, elle qui s'était toujours dictée ses propres règles, en ignorant celles des autres. Voilà que maintenant, elle se laissait docilement guider par la bride par Akinari. Génial, il n'y avait pas mieux comme plan foireux. En plus, dire d'elle qu'elle était mignonne. Personne ne le lui avait jamais dit, jamais, alors elle se sentait vraiment mal-à-l'aise, maintenant. Elle regarda l'albinos se lever, et se diriger vers l'armoire, sans pour autant toucher aux vêtements, une moue presque dégoûtée aux lèvres. La Colère décida donc de ramener enfin sa fraise, ignorant simplement la gêne ressentie auparavant.

- Fais pas de manières, ces robes d'hosto me donnent mal au coeur rien que de les voir sur toi. Tu ferais mieux de te changer, crois-moi. Ils n'ont pas empoisonnés les vêtements, arrête de faire ta minette.


Elle se décolla finalement de la porte, ayant assez retrouvée ses esprits pour bouger, et partir en direction de la fenêtre, que sa camarade d'infortune avait eu la bonne idée d'ouvrir. Elle se pencha un peu pour évaluer la distance entre le sol au-dessous d'elle, et la fenêtre, et grimaça. A en juger de la chétive constitution de l'albinos, elle n'allait certainement pas pouvoir sauter. Déjà incapable de réfléchir longuement, la douleur a son épaule l'empêchait de se concentrer correctement. Voilà ou elle en était arrivée, tout ça à cause de l'albinos derrière elle. Non, ce n'était pas que de sa faute. Akinari était fautif, lui aussi, les autres Péchés aussi, le Maître lui-même, et tout le système qui régissait l'Abyss était coupable. Consciente de prendre sa situation de mal-en-pis, et de ne rien faire pour l'arranger, elle soupira fortement en secouant énergiquement la tête, pour se sortir ses mauvaises pensées de la tête, avant de se tourner vers sa camarade, qui était assisse sur son lit, l'air stressée, à en voir ses jambes qui se balançaient dans un rythme irrégulier sous elle. La Colère jeta un nouveau coup d'oeil par la fenêtre, et retourna près de l'albinos, pour, sans mise en garde, la soulever du lit, un bras sous ses cuisses nues, et un autre contre son dos. Nullement gênée cette fois-ci, elle sourit même de toutes ses dents, d'un sourire de crocodile, et fit un clin d'oeil malicieux a l'albinos dans ses bras.

- T'as intérêt a t'accrocher, parce que si tu te casse la gueule pendant la chute, je ne te rattraperais pas. Je crois que ce serait très marrant de te voir t'écraser comme une merde sur le pavé. Et pitié, ne me dis pas que t'as le vertige, parce que sinon, je te lâche tout de suite.


Elle rit seule un moment, avant que le regard choqué de l'albinos, et les pas des Gardes a l'extérieur ne la rappelle a l'ordre. Elle s'avança jusqu'à la fenêtre, et posa un pied sur le bord, déjà prête a sauter. Un instant, elle songea à l’atterrissage très certainement raté qu'elle allait effectuer, et dans un moment de folie habituelle, balaya le sujet loin de son esprit. Il était temps de passer à l'action, et de prendre les rênes et de sa vie, et de son destin. Ce pourquoi elle sauta avec Yuuko dans les bras. Pour atterrir plutôt, voir sacrément lourdement sur le sol plus bas, Yuuko sur elle, et elle ayant amortie la chute. Nan nan, elle n'était pas la seule a opter pour ce genre de plan de fugue suicidaire.

La Chute fut douloureuse, comme elle s'y attendait. Mais, peut-être avait-elle tout de même un peu trop sous-estimée la hauteur qui les séparaient du sol ; effectivement, lorsqu'elle atterrit au sol, elle ne put retenir un cri de douleur en sentant sa jambe craquer bizarrement. Ce qui n'arrangeait pas les choses, en plus de cela, c'était que l'albinos était littéralement assisse sur elle ; elle lui aurait au moins amortie la chute, a elle. Alors qu'elle s'apprêtait a la pousser pour se relever, elle eut la présence d'esprit de le faire d'elle-même, avant de la remercier, et de lui tendre la main pour l'aider. Malgré sa jambe qui l'élançait douloureusement, aussi tête de mule qu'elle était, elle refusa l'aide de la jeune fille en se relevant seule, titubant un peu pour parvenir a retrouver son équilibre. Ouais, ça faisait mal, mais si c'était a refaire, elle n'hésiterait pas : elle le referait de bon coeur. Elle se souvenait encore de la sensation prenante de tomber dans un gouffre sans-fin, de sentir le Vent flotter dans ses cheveux détachés, s’infiltrant sous leur vêtements légers, et caressant leur peau nue. Elle se rappelait également des doigts de sa partenaire, presque enfoncés dans la peau de son cou ; elle lui aurait plantée dans le cou que ça ne l'aurait pas étonnée plus que ça.

- Pour ton information, je ne t'ai pas aidée. C'est juste que...disons que je voulais...oui, bon, ok, je t'ai filée un coup de main, on a compris, pas la peine de le répéter a tout bout de champ, hein.

De mauvaise foi, elle faisait la moue d'une mine presque boudeuse. Voilà qu'elle se retrouvait a aider cette fille, qu'elle était censée ne pas aimer. Décidément, son esprit ne tournait pas rond, ces temps derniers. Elle porta une main en visière a son front, souriant doucement a la vue du Soleil de plomb déjà haut dans le Ciel, et s'étira un peu, testant sa jambe blessée en la frappant contre le sol. D'ailleurs, lorsqu'elle le fit, la douleur remonta de sa jambe jusqu'au haut de son corps, et elle s'immobilisa un moment sous le choc de la douleur, les traits tirés par la souffrance. Cette blessure-là n'allait pas disparaître aussi facilement que de simples éraflures. Qu'importe ; elle parviendrait bien a se débrouiller ainsi. Elle avait réussie a sauter de cette hauteur avec une fille dans les bras, alors marcher avec une jambe démolie ne devait pas être mission impossible. Enfin, c'est ce qu'elle croyait, jusqu'à ce que la dite-jambe se déroba sous son poids, et qu'elle s'écroula de nouveau au sol.